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Le réchauffement climatique s’emballe-t-il ?

samedi 11 février 2023

Après cet été torride, ce mois de décembre 2022 nous a semblé plutôt froid par moment. Exit le changement climatique ? Nos sens ayant la mémoire courte, que nous dit la science ?

Météo France confirme que 2022 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée en France depuis le début des relevés en 1900. [1]

Un été 2022 de tous les dangers dans le Sud-Ouest
Avec ses canicules à rallonge, ses incendies ravageurs et ses sécheresses historiques, l’été 2022 a été traumatisant dans le Sud-Ouest, et préfigure selon les climatologues, les étés futurs. Pas vraiment rassurant. De quoi renforcer l’angoisse climatique de nos concitoyens. [2]
Les trois vagues de chaleur [3]. qui ont déferlé cet été sur notre pays, et tout particulièrement en Nouvelle Aquitaine ont vu battre de nombreux records de température. Par exemple, le 18 juin 2022 (43,2 °C à Belin-Beliet, 42,9 °C à Biarritz ou 43,2°C à Cambo les Bains), le 18 juillet 2022 (42,4°C à Cazaux ou 42,6°C à Biscarosse), et enfin le 18 octobre 2022 (31,4°C à Biarritz).
Du jamais vu ! Notre région se tropicaliserait-elle à grande vitesse ?
Les climatologues considèrent cet été 2022 comme un « ovni climatique », où la France a expérimenté l’ensemble des risques-clefs identifiés par les experts climatiques du GIEC pour l’Europe. [4] Ils considèrent que ces épisodes estivaux remarquables de 2022, illustrent les effets du changement climatique dans notre pays et auraient été hautement improbables et nettement moins intenses sans lui.
Cela signifie-t-il que le réchauffement planétaire s’emballe ? Un peu tôt pour le dire.

Situation du réchauffement planétaire en 2022
Même si les observations ne montrent pas cette année de signes d’accélération notable de la température moyenne annuelle mondiale, 2022 devrait quand même se situer en cinquième ou sixième position parmi les années les plus chaudes observées sur la planète, dépassant d’environ 1,15 °C la moyenne préindustrielle (période 1850-1900)
Preuve du dérèglement climatique en cours, les huit dernières années sont en passe de devenir les huit années les plus chaudes jamais enregistrées.
Du côté des émissions de CO2, les nouvelles ne sont pas fameuses : après la baisse record de 2020 (-5,7%) liée au COVID 19, ces émissions, intimement liées à la croissance économique, sont reparties à la hausse en 2021 (+6%), avec le chiffre record de 36,7 milliards de tonnes de CO2. [5] [6]
Ce qui veut dire que la concentration en CO2 atmosphérique, facteur principal du réchauffement d’origine anthropique, va continuer de croître à un rythme effréné, entraînant la hausse des températures mondiales dans les années à venir.

Des modèles climatiques régionaux dépassés par la réalité
Pour le climatologue Robert Vautard [7] , l’intensité surprenante des vagues de chaleur de cet été 2022, n’implique forcément pas un emballement général du réchauffement, mais souligne toute la difficulté des projections climatiques régionales : « Les modèles sous-estiment le dérèglement en été en Europe de l’Ouest, et tout particulièrement en France. Ils indiquent des températures moyennes supérieures de 2°C lors des canicules intenses en été par rapport au début du XXème siècle. Or il se dessine plutôt une hausse de 3°C à 5°C selon les mois et selon les endroits. C’est inquiétant, cela signifie que les projections fournies par les modèles donnent une vision un peu trop optimiste pour le futur ».

Conclusion
Même si les événements climatiques de l’été 2022 dans notre région et en France, sont liés au dérèglement climatique en cours, il semble prématuré d’affirmer qu’ils sont le signe d’un emballement de celui-ci.
Ils montrent que l’impact du réchauffement planétaire sur le climat régional, et notamment les épisodes de chaleur extrême, peut être beaucoup plus fort qu’anticipé, rendant plus compliquées les possibilités d’adaptation des systèmes humains et naturels.
L’augmentation rapide de la sévérité des canicules, dans le contexte actuel du réchauffement de +1,15°C fait redouter le pire, quand ce réchauffement atteindra 1,5°C voire dépassera 2°C . [8]
A ces craintes, il convient de rajouter les incertitudes des prévisions à long terme, liées aux imperfections de la modélisation, à la non-linéarité de la réponse du système climatique à l’augmentation de la concentration en CO2 atmosphérique, sans oublier l’émergence redoutée de « surprises climatiques ».
Puissent les phénomènes de cet été 2022, favoriser la prise de conscience collective de la fragilité de notre avenir climatique et accélérer les prises de décisions politiques adéquates, tant en termes d’atténuation des émissions que d’adaptation aux effets inéluctables du dérèglement climatique en cours.
A défaut d’une réduction massive et urgente des émissions de CO2 en France [9] et ailleurs dans le monde, le dérèglement climatique pourrait contribuer fortement à l’obsolescence de l’homme . [10]

DD.
Mise en ligne du 11/02/2023

Portfolio


[12022, année la plus chaude en France. Météo France.23/01/2023.

[2Le dérèglement climatique plombe le moral des français. Jean-Denis Renard. Sud Ouest. 25/08/2022

[33 vagues de chaleur ont déferlé sur la France en 2022 : la première du 15 au 19 juin, la seconde du 12 au 25 juillet et la troisième du 31 juillet au 13 août 2022

[5Après une baisse en 2020 avec la crise du COVID 19, les émissions mondiales de CO2, liées à la combustion des énergies fossiles, sont reparties à la hausse en 2021 (+6%) (données AIE). CITEPA 16/03/2022

[6On reste très éloigné en 2022 des objectifs qui permettraient des respecter l’Accord de Paris de 2015 sur le climat, à savoir : pour rester sous les 2°C de réchauffement, les émissions mondiales de CO2 doivent baisser de 4% par an dès maintenant. Pour ne pas dépasser 1,5°C, il faut réduire ces émissions de 8% par an.

[8« Le monde se dirigerait vers un réchauffement climatique de 2,5°C à la fin du siècle. »
Cf : 2022, « symptôme du dérèglement climatique ». Audrey Garric. Le Monde. 02/12/2022

[9La France émet actuellement environ 1% des émissions mondiales annuelles de CO2, et la totalité de ses émissions depuis 1750 représente 2,4 % du cumul mondial

[10L’Obsolescence de l’homme. Günther Anders.