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Empreintes radioactives et chimiques de la centrale nucléaire du Blayais

lundi 10 juin 2019

Des analyses réalisées à la demande de la Commission Locale d’Information du Nucléaire mettent en évidence les empreintes radioactives et chimiques de la centrale du Blayais, sur les milieux naturels de l’estuaire de la Gironde.
Le futur plan de gestion du Parc Naturel Marin de l’estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis, devra démontrer sa capacité à intégrer et à maîtriser les impacts de la centrale nucléaire du Blayais sur la qualité des eaux et la biodiversité aquatique de l’estuaire.

Les rejets radioactifs et chimiques de la centrale nucléaire du Blayais [1] sont-ils détectables dans les milieux naturels de l’estuaire [2] ?
C’est pour tenter de répondre à cette importante question que la Commission Locale d’Information Nucléaire (CLIN) du Blayais a fait procéder à deux expertises par un organisme indépendant : l’Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest (ACRO).
Après une première étude réalisée en 2010 et portant sur les eaux superficielles et souterraines [3] , l’étude de 2012 vise à établir une analyse plus fine et plus complète de l’environnement autour de la centrale en intégrant de nouvelles matrices telles que la faune et la flore aquatiques, les sédiments et le couvert végétal sur une zone géographique relativement large [4] .
Les radionucléides et substances chimiques recherchés sont essentiellement ceux potentiellement rejetés par une installation nucléaire.
Les résultats de cette dernière étude mettent en évidence les empreintes radioactives et chimiques de cette centrale, sur les milieux naturels de l’estuaire de la Gironde.
I- Empreintes radioactives
Les radioéléments tritium , carbone 14 et césium 137 ont été mis clairement en évidence. Un autre radioisotope, le nickel 63, a également été détecté, ainsi que dans la précédente étude, en faible quantité. Peu d’informations sont disponibles concernant la présence de ce radioélément dans l’environnement des installations nucléaires.

  • Le tritium est l’élément le plus rejeté, par voie liquide, par une installation nucléaire. Il était jusqu’à récemment considéré comme faiblement toxique. Il est actuellement au cœur de nombreux débats scientifiques et sa radiotoxicité est réévaluée à la hausse [5] .
    La radioactivité du tritium est estimée à 0,5 Becquerel par litre (Bq/L) dans les fleuves hors influence d’une installation nucléaire. Dans l’eau de mer elle est inférieure à 0,1 Bq/L.
    Lors de la première étude de 2010 la présence de tritium a été observée dans l’estuaire de la Gironde ainsi que dans les canaux à proximité de la centrale avec une activité comprise entre 7 et 13 Bq/L. Les valeurs obtenues en 2011 sont comparables avec celles de 2010.
    Le tritium est donc détecté significativement dans l’eau de l’estuaire avec des valeurs bien au dessus de celles couramment observées dans les fleuves. La présence de tritium dans l’eau de l’estuaire est clairement due aux effluents de la centrale.
  • Le carbone 14 est majoritairement rejeté par voie gazeuse par les centres nucléaires.
    La radioactivité en carbone 14 de l’environnement terrestre est en moyenne de 235 Becquerel par kg de carbone (Bq/kg de C).
    Dans cette étude, il a été mesuré dans les roseaux (entre 200 et 500 Bq/kg), dans les crevettes et les anguilles (entre 100 et 500 Bq/kg) et dans le couvert végétal (entre 150 et 450 Bq/kg).
    Un marquage en carbone 14 de l’environnement du Blayais est donc bien mis ici en évidence.
  • Le césium 137 est un radioélément artificiel dont la présence peut être due à la rémanence des essais atmosphériques, à l’accident de la centrale de Tchernobyl et aux effluents du CNPE du Blayais.
    Il est présent dans la nature avec des concentrations qui peuvent varier d’un facteur 10 d’un échantillon à l’autre. Ainsi dans les champignons, des activités variant de 10 à 100 becquerel/kg (Bq/kg) ont été mesurées suivant les régions de France.
    En 1993 une campagne de mesures de la radioactivité dans l’estuaire de la Gironde a été réalisée par le Centre d’Études Nucléaires de Bordeaux Gradignan à la demande de la CLIN. La radioactivité en césium 137 mesurée sur les sédiments et les algues était comprise entre 4 et 8 Bq/kg.
    Dans la présente étude, le césium a été mis en évidence dans les sédiments (entre 3 et 7 Bq/kg), dans les crevettes et les anguilles (autour de 0,1 Bq/kg), dans les sols (entre 4 et 9 Bq/kg).
    Les valeurs mesurées autour du CNPE du Blayais sont du même ordre de grandeur que celles obtenues sur le territoire français.

II- Empreintes chimiques
Deux substances chimiques en particulier ont été détectées dans les échantillons, l’hydrazine et l’EDTA (Ethylène Diamine Tetra Acétique).
La première est essentiellement utilisée comme antioxydant dans le circuit primaire de l’installation. C’est une substance toxique avec effet cancérigène.
Selon EDF, l’EDTA n’est pas utilisée sur la centrale du Blayais.

  • L’hydrazine :
    L’hydrazine a déjà été détectée dans l’eau de l’estuaire lors de l’étude ACRO de 2010. On note aujourd’hui sa présence dans les crevettes, avec une valeur significativement au-dessus de la limite de détection de l’appareil de mesure.
    Néanmoins, selon la réglementation et les connaissances en cours, ces résultats ne donnent pas de dangerosité potentielle ni aiguë, ni chronique pour l’homme et les animaux car la valeur mesurée est 50 fois inférieure à une valeur limite moyenne d’exposition acceptable (communication du Laboratoire Départemental).

Les quatre réacteurs de la centrale du Blayais atteignent aujourd’hui trente ans d’âge et seront mis, tôt ou tard, à l’arrêt total et définitif.
Leur démantèlement suffira-t-il à effacer les traces de la centrale sur les milieux naturels de l’estuaire de la Gironde ?

A lire  :
 Etude critique de l’évaluation de l’impact radioécologique du CNPE du BlayaisSynthèse / octobre 2002 / V4 .CRIIRAD
http://www.criirad.org/actualites/etudeslabo/synthblayais.doc
 Fiche radionucléide Tritium et environnement. IRSN. 05/06/2014
http://www.irsn.fr/FR/Larecherche/publications-documentation/fiches-radionucleides/environnement/Pages/tritium-environnement.aspx#.V16sx_mLTIU
 Tritium : effets sur la santé, dosimétrie et radioprotection . Office canadien pour la santé. avril 2010.
http://nuclearsafety.gc.ca/pubs_catalogue/uploads_fre/CNSC_Health_Effects_Fre-web.pdf
 Les effets biologiques et sanitaires du tritium : questions d’actualité. ASN
http://www.asn.fr/sites/tritium/fichiers/Tritium_CHAP_5-3.pdf
 L’ASN apporte des précisions sur la surveillance et la limitation des rejets de tritium des installations nucléaires. ASN. 17/10/2019
https://www.asn.fr/Informer/Actualites/Surveillance-et-limitation-des-rejets-de-tritium-des-installations-nucleaires#bottom
 Livre Blanc du Tritium. ASN.
https://www.asn.fr/sites/tritium/10/

Mise à jour du 06/11/2019


[1Voici, selon EDF, les prévisions de rejets de substances chimiques et radioactives, pour l’année 2015 :
 rejets de gaz rares : 1200 GBq
 rejets gazeux de tritium : 1200 GBq
 rejets gazeux de carbone 14 : 540 GBq
 rejets gazeux d’iodes : 0,06 GBq
 rejets gazeux de produits d’activation : 0,008 GBq
 rejets liquides de tritium : 50 000 GBq
 rejets liquide de carbone 14 : 60 GBq
 rejets liquides d’iodes : 0,016 GBq
 rejets liquides d’autres produits de fission et d’activation : 0,7 GBq
 rejets d’acide borique : 12,4 tonnes
 rejets d’hydrazine : 3 kg
 rejets de morpholine : 600 kg
 rejets de phosphate : 250 kg
 rejets d’ammonium : 3,1 tonnes
 rejets de sulfate : 120 tonnes

[2Il s’agit des rejets en fonctionnement normal de la centrale. En cas d’accident, les rejets pourraient bien sûr beaucoup plus élevés, comme l’ont montré les accidents de Tchernobyl et Fukushima.
Cf : Travaux de l’IRSN sur le coût économique des accidents nucléaires entraînant des rejets radioactifs dans l’environnement. 19/02/2013. http://www.irsn.fr/FR/Actualites_presse/Actualites/Pages/20130219-Travaux-recherche-IRSN-cout-economique-accidents-nucleaires.aspx

[3Etude des eaux superficielles et souterraines aux alentours du site nucléaire du Blayais (ACRO - 2010) : www.acro.eu.org/RAP110111-BLY-v1.pdf

[4Etude de la radioactivité dans l’environnement autour du CNPE du Blayais (ACRO - 2011-2012)  : www.acro.eu.org/Etude%20ACRO%20CNPE%20%20Blayais%202011.pdf